Nègre, sauvage, nain, maure… Au Musée royal d'Amsterdam, les titres d’œuvres comportant des mots jugés offensants seront remplacés par un vocabulaire plus neutre. Au risque de réécrire l'Histoire.
Le prestigieux Rijksmuseum (Musée royal) d'Amsterdam a décidé de faire le ménage en dévoilant début décembre une initiative controversée, nommée Ajustements au sujet des terminologies colonialistes. Elle vise à examiner toutes les œuvres du musée pour rebaptiser celles dont les cartels – les petites plaquettes fixées à côté des œuvres et permettant de les identifier – comportent des termes jugés offensants, discriminatoires, racistes ou sexistes. Comprendre, une vingtaine de mots parmi lesquels « nègre », « esclave », « sauvage », mais aussi « nain », « maure » ou encore « mahométan ». A leur place, des mots plus« neutres » seront employés, explique le département d'Histoire du musée.
Selon le site internet Arrêt sur images, 8 000 titres ont déjà été retouchés, dont 132 contenant le mot « nègre ». Ainsi, la Jeune Femme nègre, du peintre néerlandais Simon Maris, est devenue, après cinq changements, Jeune Femme à l'éventail.
Martine Gosselink, responsable du département d'Histoire de l'établissement, se défend de vouloir réécrire l'Histoire. L'initiative, expliquait-elle au Monde, a été motivée par le « nombre croissant de plaintes » enregistrées par le musée, de la part des visiteurs mais aussi des internautes. Et pour faire taire ceux qui pourraient crier à la censure, elle indique que les anciens titres des œuvres retoquées resteront visibles : ils seront conservés « dans la base de données du musée, s'ils ont été choisis par les collectionneurs, et en dessous du nouveau titre, à disposition des visiteurs, s'ils ont été choisis par l'artiste ». Impossible, pour autant, de savoir avec précision combien de titres sont recensés dans les deux catégories.
L'initiative, inédite dans un musée européen, pose néanmoins question. « On peut traduire un titre pour exposer une œuvre à l'étranger, explique Ségolène Le Men, historienne de l'art et enseignante à l'université Paris Ouest-Nanterre. Cela est déjà arrivé, notamment dans des musées au Canada ou en Amérique du Nord. Mais ces corrections n'avaient pas d'origine idéologique, juste factuelle ».
Ici, c'est donc le côté « idéologique » de l'initiative qui interroge, d'autant que cela« a plus à voir avec la censure morale qu'avec la seule question du titre ». Rien n'interdirait, en effet, au Rijksmuseum d'aposer, sur le cartel qui accompagne l'oeuvre, un commentaire ou une explication qui permettrait de la remettre dans son contexte. « On peut expliquer l'Histoire, la commenter, la contester même, mais les faits sont les faits !, analyse Ségolène Le Men. S'agissant, par exemple, d'un tableau, c'est d'autant plus absurde qu'il est la conjonction d'un titre et d'une peinture. Et l'image peinte, elle, ne disparaîtra pas ».
La peur d'offenser: c'est ce qui a conduit le Musée Royal d'Amsterdam à prendre cette décision à peine croyable. Rebaptiser les œuvres aux titres jugés discriminatoires ou pouvant heurter la sensibilité de certaines minorités.
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